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Focus jurisprudence : la responsabilité des avocats rédacteurs.

20/10/2023 Partager l’article sur

La responsabilité des avocats rédacteurs

Les titres d’un dirigeant révoqué de son mandat de Directeur Général ont été cédés à un prix dérisoire par application d’une clause de bad leaver (promesse de vente et d’achat sous conditions) au profit de l’investisseur qui était entré au capital de la société dans le cadre d’un LBO. Ayant perdu le montant de son investissement, l’ancien dirigeant a engagé une action contre l’un des cabinets d’avocats étant intervenu dans la rédaction de la documentation pour manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde, estimant qu’il n’avait pas été avisé du risque de perte partielle, voire totale, des sommes investies.

La Cour retient la responsabilité exclusive du cabinet d’avocats dont l’entête apparaît sur la documentation liée à l’opération au motif qu’il aurait agi en qualité de rédacteur unique et qu’il était, par conséquent, tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde à l’égard de l’ensemble des parties.

Pourtant, ledit cabinet était intervenu dans l’opération en qualité de conseil de l’investisseur, un second cabinet dont la responsabilité n’est pas retenue ayant communiqué publiquement sur l’opération en se présentant comme conseil des dirigeants.

Cette qualification est particulièrement sévère. En effet, si la jurisprudence avait déjà retenu la responsabilité d’un avocat en tant que rédacteur unique même en l’absence de lien contractuel avec toutes les parties et alors que l’acte avait été conclu sans sa présence (Cass. Civ 1ère. 27 novembre 2008, n° 07-18.142), c’est semble-t-il la première fois que cette qualification est retenue alors que la partie demanderesse avait manifestement son propre conseil dans le cadre de l’opération concernée.

Au-delà de la qualification de rédacteur unique, la Cour s’intéresse à la rédaction de clause litigieuse en critiquant sa complexité notamment au regard de sa longueur et des renvois multiples à une annexe et à des termes définis.

En toute hypothèse et même si la Cour n’insiste pas sur ce point, une attention particulière est à apporter aux modalités de calcul du prix dans la mise en œuvre d’une promesse d’achat et vente de titres pour ne pas conduire à une spoliation d’un associé et à la cession totale de ses titres pour un « prix dérisoire », même en cas de bad leaver. Une telle cession serait susceptible d’encourir la nullité, notamment au détriment du bénéficiaire de la promesse (article 1169 du Code civil).

Le cabinet est condamné par la Cour d’Appel à indemniser l’ancien dirigeant pour sa perte de chance de ne pas participer à l’opération, évaluée en l’espèce à 30% du montant qu’il avait investi pour souscrire les titres cédés.

Cet arrêt appelle donc l’attention des cabinets intervenant sur les opérations de LBO au regard de leur devoir de conseil et de mise en garde, mais aussi quant au soin à apporter à la rédaction de la documentation liée à l’opération.

Analyse de Charles Callaud, associé et de Léa Cohen, collaboratrice.

CA Amiens, 26 janvier 2023, n°21/02956. Télécharger l'arrêt complet ici.