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Adoption de la loi PACTE : quelques informations à retenir

20/05/2019 Partager l’article sur

  1. L’adoption de la cession de créance de droit commun à titre de garantie : une mesure espérée depuis de nombreuses années

Il s’agit de l’un des points phares de l’adoption de la loi PACTE. À travers son article 16, le Parlement habilite le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des sûretés. Plus précisément, l’article 16, 9°, invite le gouvernement à « consacrer dans le Code civil la possibilité de céder une créance à titre de garantie ». Rappelons qu’un tel mécanisme n’était possible en pratique qu’en matière de cession Dailly, au seul profit des établissements bancaires.

En effet, depuis l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 19 décembre 2006, il est constant « qu’en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance ». Cet arrêt exclut l’usage de la cession de créance de droit commun à titre de garantie et instaure seulement deux types de sûretés sur les créances : (i) le nantissement de droit commun et (ii) la cession Dailly.

Si la cession Dailly est un mécanisme que le législateur a mis en place pour permettre, selon les termes de l’article L. 313-24 du Code monétaire et financier «(un) transfère au cessionnaire (de) la propriété de la créance cédée », « même lorsqu’elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d’un prix », le nantissement est une sûreté classique en ce qu’elle ne repose pas sur un mécanisme de transfert de propriété au moment de sa constitution. Elle n’a d’effet translatif de propriété qu’à compter du moment où la créance devient exigible ; autrement dit lorsque le débiteur est en défaut.

La cession Dailly a donc cet avantage décisif d’être à la fois un outil de sûreté et un moyen de transport de la propriété de créances futures[1] du patrimoine du débiteur vers celui du créancier.

Ce mécanisme permet donc au créancier cessionnaire, en cas de procédure collective du débiteur, d’échapper à « la discipline collective », en obtenant le paiement des créances non exigibles, y compris lorsque le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur intervient entre la constitution du bordereau Dailly et la naissance de la créance garantie. L’explication repose sur l’effet de la cession Dailly qui emporte changement de propriété de la créance au moment de sa constitution.

En revanche, pour le créancier nanti (nantissement de droit commun), la situation est différente. L'article 2357 du Code civil prévoit que les droits du créancier ne naissent qu'avec la créance, et ne sont donc pas acquis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, ce qui constitue un argument qui conduit à affirmer que les effets du nantissement de créance cessent sur les créances non encore nées, par l'effet du jugement d'ouverture.

Le créancier nanti ne pourra donc valablement faire valoir ses droits sur la créance objet du nantissement, que s’il a notifié le « sous-débiteur » avant l’ouverture de la procédure collective pour des créances antérieures à celle-ci (sauf action en nullité des actes passés en période suspecte).

Par conséquent, pour la pratique, la cession Dailly est une sûreté d’une efficacité formidable.

Néanmoins, l’inconvénient majeur que la pratique n’a pu contourner en raison de la jurisprudence peu favorable de 2006, réside dans le fait que la cession Dailly est une forme particulière de cession de créance conçue uniquement pour les établissements de crédits.

Ceci a eu pour conséquence de fragiliser les opérations de financement. La question qui se pose souvent en pratique est de savoir si le créancier, notamment étranger, peut ou non bénéficier de la cession Dailly. Parfois la question est délicate lorsque, par exemple, le statut du créancier ne remplit que pour partie les caractéristiques d’un établissement de crédit[2], dont les critères sont contrôlés par l’ACPR.[3]

Par ailleurs, il convient de noter que l’apparition de la fiducie en 2007 a été un moyen efficace de contourner cette interdiction. Il est d’ailleurs dommage de constater que la fiducie n’est que trop peu utilisée en ce sens.[4]

C’est pourquoi, la loi PACTE constitue donc une formidable innovation qui va dans le sens souhaité par la pratique de l’ouverture de la cession à titre de garantie à tous les créanciers. Pour les débiteurs, il s’agit d’une sûreté translative de propriété potentiellement à risque en cas difficultés financières.

  1. La rémunération du dirigeant en redressement judiciaire : le renversement d’un principe

Cette disposition se retrouve à l’article 14 de la loi PACTE qui opère une modification du premier alinéa de l’article L.631-11 du Code de commerce. Celle-ci met un terme purement et simplement à la fixation automatique de la rémunération du dirigeant qui se trouve en redressement judiciaire, sauf demande de l’administrateur judiciaire. Ainsi, la rémunération du débiteur personne physique ou du dirigeant de la personne morale placée en redressement judiciaire se verra être maintenue au jour de l’ouverture de la procédure, sauf décision contraire du juge commissaire saisi sur demande de l’administrateur judiciaire ou du ministère public. Dans l’hypothèse où aucun administrateur judiciaire n’aurait été désigné, le juge commissaire pourra être saisi par le mandataire judiciaire.

La règle était auparavant celle de la fixation de la rémunération du dirigeant par le juge commissaire.


[1] Article L. 313-23 du Code monétaire et financier : « les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés ».

[2] Personne morale qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banque au sens de l'article L.311-1 CMF.

[3]https://acpr.banque-france.fr/autoriser/procedures-secteur-banque/agrement-autorisation-ou-enregistrement/etablissement-de-credit

[4] Sur les mythes et les réalités au sujet de la fiducie v. ANDREANI M. et RAVET Y.-M : « La fiducie : sûreté d’élite ou produit de masse ? » Dr. et patrimoine n°228, sept. 2013, P.38.