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La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

01/04/2020 Partager l’article sur

Les implications juridiques et économiques de « l’état d’urgence sanitaire »

Si les dispositions du Code de la santé publique (L3131-1 et suivants) prévoyaient déjà des mesures d’urgence en cas de menace sanitaire grave, elles se révélaient insuffisantes eu égard à l’ampleur et à la durée de la crise liée à la propagation du Covid-19.

Aussi le Gouvernement a-t-il présenté un projet de loi visant à créer un véritable « état d’urgence sanitaire ».

C’est ainsi qu’a été votée puis promulguée la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Cette loi est doublement digne d’intérêt :

D’une part elle crée un nouveau dispositif d’état d’urgence lié à un péril sanitaire, en organisant un fonctionnement institutionnel exceptionnel ;

D’autre part elle autorise le Gouvernement à statuer, seul, par voie d’ordonnances pour définir les mesures exceptionnelles idoines, dans des domaines relevant en temps normal de la compétence du Parlement.

I. Un nouvel état d’urgence en cas de crise sanitaire

En cas de « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré par décret pris en Conseil des ministres sur la base d’un rapport établi par le Ministre de la santé (nouveaux articles L3131-12 et 13 du Code de la santé publique).

Si au bout d’un mois il apparait que la mesure doit être reconduite, seule une loi pourra autoriser son renouvellement.

Le nouvel article L3131-15 du Code de la santé publique précise les mesures qui peuvent être prises par le Premier Ministre dans ce cadre : restreindre ou interdire la circulation des personnes, interdire aux personnes de sortir de leur domicile sauf en cas de besoins familiaux ou de santé, ordonner la mise en quarantaine des personnes affectées, ordonner la fermeture provisoire de certaines catégories d’établissement recevant du public, limiter ou interdire les rassemblements, ordonner la réquisitions de biens ou services nécessaire à la lutte contre le péril sanitaire, etc…

II. L’état d’urgence lié à l’épidémie actuelle du Covid-19

En premier lieu il convient de préciser que le dispositif d’état d’urgence sanitaire mis en place et développé précédemment a d’ores-et-déjà fait l’objet d’une dérogation pour la crise actuelle.

Ainsi la loi du 23 mars 2020 prévoit que l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face au Covid-19 sera d’une durée minimale de deux mois, quand le régime commun prévoit une période d’un mois (article 4 de la loi du 23 mars 2020).

S’il devait y avoir reconduction de la mesure, celle-ci ne pourrait intervenir que par le biais d’une loi, votée par le Parlement.

La loi détaille ensuite les très nombreuses mesures, relevant d’ordinaire du domaine législatif, qui pourront être prises par le biais d’ordonnances gouvernementales, et donc sans débat devant les assemblées du Parlement.

Il s’agit notamment de dispositions tendant à l’adaptation des élections municipales qui n’ont pu se dérouler entièrement, mais également des mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre le Covid-19.

Cette dernière catégorie revêt une grande disparité de mesures, dans de nombreux domaines.

Sans en faire un examen exhaustif, il convient de mettre en lumière certaines d’entre elles :

Dans le domaine économique :

Mesure d’aide dès lors que la viabilité de l’activité est en cause, par le biais de mesures de soutien à la trésorerie et d’un fonds financé notamment par les régions ;

En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique :

  • Faciliter le recours au chômage partiel pour toutes les entreprises ;
  • Permettre à un accord de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur à imposer ou modifier les dates des congés payés des salariés, dans la limite de 6 jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance ;
  • Permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction de temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte-épargne-temps du salarié, le tout en dérogeant aux délais de prévenance ;
  • Permettre aux entreprises des secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale, de déroger aux règles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical, même s’il s’agit de règles d’ordre public ;
  • Modifier les dates et modalités de versement des sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation;
  • En matière de formation professionnelle, aménager la réglementation en matière de rémunération et de cotisations sociales relatives aux stagiaires ;
  • Adapter les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement perçus par les demandeurs d’emploi;

Modifier les obligations, notamment en termes de délais et de pénalités, des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs, ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs; Cela concerne notamment les contrats de vente de voyages et séjours prenant effet à compter du 1er mars 2020 ;

Prolonger au-delà du 31 mars la période de trêve hivernale pendant laquelle il est impossible de procéder à une expulsion locative ou d’interrompre la fourniture de gaz, d’électricité ou de chaleur;

Pour les microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation du Covid-19, permettre de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité des locaux professionnels et commerciaux, et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fourniture susceptibles d’être appliquées en cas de défaut de paiement ;

Les « microentreprises » concernées sont celles qui occupent moins de 10 salariés et ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 2 millions d’euros ;

Simplifier les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales;

Adapter les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adapter les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;

Dans le domaine des activités juridiques administratives et juridictionnelles :

Adapter délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, aux consultations obligatoires, aux prises de décisions par les autorités administratives, ainsi qu’aux délais de réalisation de travaux ou prescriptions de toute nature imposées par la loi ou le règlement, sauf à ce qu’ils résultent d’une décision de justice ;

Interrompre, suspendre ou reporter le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ;

Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de Covid-19 ;

Ces mesures se révèlent particulièrement nécessaires dans la mesure où l’activité juridictionnelle est réduite à sa plus simple expression, statuant sur les procédures extrêmement urgentes (par exemple : ordonnance de protection contre un conjoint violent et les dossiers dans lesquels la liberté d’une personne est en jeu) ;

Adapter les règles de compétence territoriale, de formations de jugement, de délais de procédures et de jugement, de recours à la visioconférence, et de saisine des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ;

Adapter les règles relatives au déroulement des gardes à vue, des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance ;

Aménager les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires, les modalités d’exécution des fins de peine, ainsi que celles relatives aux mesures de placement et mesures éducatives propres à l’enfance délinquante ;

Autres domaines :

Adapter le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ;

Adapter les modalités d’accès aux formations de l’enseignement supérieur, des modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur ou des modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique ;

Faciliter la garde des enfants pour les parents dont l’activité professionnelle est maintenue sur le lieu de travail dans un contexte de fermeture des structures d’accueil, en étendant exceptionnellement et temporairement le nombre d’enfants pouvant être accueillis par un assistant maternel agréé ;

Pour un exposé exhaustif des mesures exceptionnelles confiées au Gouvernement, il convient de se référer à l’article 11 de la loi du 23 mars 2020.

Aussi de nombreuses ordonnances gouvernementales s’annoncent dans les jours à venir afin de préciser les mesures exceptionnelles prises en ces périodes troubles.