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Le Bitcoin, une presque monnaie pour la justice française et à tout le moins un actif fongible

27/05/2020 Partager l’article sur

Alors qu’il est de plus en plus fréquent d’entendre parler de Bitcoin, de Blockchain, de cryptomonnaie (surtout depuis que Facebook a annoncé vouloir lancer sa propre cryptomonnaie Libra…), il est beaucoup plus rare de voir des magistrats s’emparer du sujet.

Si la loi PACTE a permis de mettre en place un cadre réglementaire pour les levées de fonds en cryptomonnaie (les ICO - Initial Coin Offering) ainsi que pour les acteurs majeurs de cet écosystème, (les PSAN - Prestataires de Services sur Actifs Numériques), aucun juge français jusqu’à alors n’avait été en mesure de rendre une décision de principe dans cette matière.

Ainsi, le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nanterre le 26 février 2020 fait exception à la règle !

Pour les magistrats de cette juridiction, le bitcoin doit être considéré comme un actif incorporel fongible, qui relève alors juridiquement « de la chose de genre », c'est-à-dire d'un bien interchangeable, mais non individualisable, au même titre que la monnaie fiduciaire.

Cette décision significative permet désormais de qualifier le Bitcoin d’actif fongible (comme la monnaie).

Les faits qui ont donné lieu à cette décision étaient les suivants :

La société britannique BitSpread avait eu recours en 2014 à un prêt de 1 000 Bitcoin auprès de la banque d'échange Paymium.

Cependant, une scission (hard fork) du Bitcoin ayant eu lieu 2017, une nouvelle cryptomonnaie, le Bitcoin Cash, est apparu.  

Le contentieux porté devant le Tribunal de commerce portait ainsi sur la question du retour au prêteur des Bitcoin Cash issus de la scission, ce qui était exigé par la société Paymium.

Après analyse, les magistrats ont donné raison à BitSpeard.

Les juges ont considéré que :

  • Le Bitcoin était un actif incorporel fongible, similaire à une monnaie fiduciaire.
  • Dès lors le prêt en Bitcoin devait relever du prêt à la consommation et la propriété du bien prêté ne pouvait qu’être transféré à l’emprunteur.
  • Les Bitcoin Cash, créés à partir des Bitcoin, objet du prêt, étaient alors la propriété de l'emprunteur (comme le dividende à l’actionnaire). 

L’impact de cette nouvelle jurisprudence reste encore à déterminer, mais nul doute que pareille solution ne peut qu’encourager les acteurs de cet écosystème ainsi que les parties un peu plus frileuses (on songe notamment aux institutions bancaires) à évoluer pour faciliter les échanges en Bitcoin.

 De plus, d’un point de vue purement contractuel, cela va inciter les différents acteurs du système à « verrouiller » correctement les contrats conclus (choix de loi, mise en œuvre d’une clause de restitution…).